La chasse aux sorcières en Franche Comté

Publié le par Teddipearl

 

Petit récapitulatif sur l'histoire de la Franche-Comté....

La Franche Comté, telle qu'on la connaît aujourd'hui, c'est-à-dire le Jura, le Doubs, la Haute-Saône et le Territoire de Belfort, ne ressemblait pas à ce qu'elle était à l'époque de la chasse aux sorcières (entre 1450 et 1750). En effet, Montbéliard et Belfort n'en faisaient pas partie.

Belfort et sa région ont appartenu à l'Alsace germanique jusqu'en 1678. Ainsi, en 1354, dix villes alsaciennes (telles que Strasbourg, Wissembourg, Haguenau, Colmar, Mulhouse) s'unissent et forment une ligue, la Décapole. Au sein de cette ligue, les grandes familles détiennent le pouvoir jusqu'au début du 14° siècle. Par la suite, les différents métiers s'organisent en corporations et constituent des Conseils Dirigeants. De 1618 à 1648, sévit la guerre deTrente Ans, qui ravage l'Alsace et entraîne son annexion par la France en 1678, sauf Strasbourg, qui le sera en 1681. En 1871 (après la guerre de 1870), l'Alsace et la Lorraine deviennent allemands, à l'exception de Belfort qui est alors intégré à la Franche Comté. En effet, Belfort est récompensé pour avoir resisté à un siège d'une centaine de jours, d'où la présence à Belfort d'une sculpture en forme de lion, symbole de courage.

La principauté de Montbéliard était rattachée au Wurtemberg (comté en 1135, duché en 1495, puis sous la suzeraineté des Hasbourg de 1520 à 1599), elle était un pôle de la Réforme protestante. Elle n'est rattachée à la France qu'en 1801 par le traité de Lunéville.

La Comté a été espagnole de 1558 à 1678. Elle a donc connu les règnes de

  • Philippe II : 1556-98
  • Philippe III : 1598-1621
  • Philippe IV : 1621-65
  • Charles II : 1665-1700.

Le traité de Nimègue de 1678 la restitue à la France.

Elle a donc connu la chasse aux sorcières sous deux royaumes différents.Cependant, cela n'a pas beaucoup influencé cette période trouble car la Comté, bien qu'espagnole, était assez indépendante à cause de l'éloignement de la péninsule ibérique.

Ainsi, au début de la chasse aux sorcières, la Comté est une province espagnole, il serait plus exact de dire qu'elle était sous la protection espagnole et vaguement rattachée aux Pays Bas (également espagnols). Cette situation entraîne donc une assez grande autonomie : le Parlement de Dole (alors capitale de la région) a des compétences dans beaucoup de domaines : politique, religieux, économique, militaire, judiciaire. Dès 1534, il est divisé en deux chambres, qui interviennent chronologiquement dans les procédures.

1. Prémices des persécutions

Au 15° siècle, ce sont plutôt les protestants qui sont persecutés. En effet, la Comté est entourée de territoires majoritairement protestants : la Principauté de Montbéliard, celle de Genève et le Pays de Vaud.

Le tribunal de l'Inquisition est créé au 12° siècle, pour lutter contre l'hérésie (doctrine d'origine chrétienne contraire à la foi catholique et condamnée par l'Eglise). Cependant, il est peu apprecié des comtois et du Parlement de Dole, qui ne cesse de réduire ses fonctions.

1534 est une date importante dans l'histoire de la chasse aux sorcières en Comté. La justice civile commence à s'intéresser aux sorciers, auparavant crime relevant exclusivement du tribunal de l'Inquisition. Ainsi, le Parlement de Dole, influencé par divers ouvrages démonologiques (comme le Malleus Maleficarum) et par des articles de Charles Quint (1500-58, empereur germain de 1519 à 1558, roi d'Espagne sous le nom de Charles I et roi de Sicile sous le nom de Charles 4 de 1515 à1556) promulgue cette année-là un édit qui définit la compétence en matière de sorcellerie : les hérésies jugées par l'Inquisition et les sortilèges par les juges civils. Cependant, l'Inquisition aimerait pouvoir se libérer du Parlement car même dans les cas d'hérésie, la présence d'un juge civil est indispensable. Elle essaiera de se rebeller en 1618, en 1628 et en 1658, cette dernière entraînera une terrible chasse aux sorcières. Elle a donc jouée un rôle mineur dans la chasse aux sorcières en Comté.

 

2. Les textes de lois

En 1604, le roi d'Espagne promulgue le seul édit à propos de la chasse aux sorcières en Comté. Il conforte, ainsi, le bien-fondé des juges dans leur intervention et incite le Parlement à promulguer trois édits : celui de 1608 accroît le nombre de personnes qui peuvent intervenir dans un cas de sorcellerie. En effet, auparavant, seuls les Officers de Sa Majesté, les procureurs d'office et les lieutenants locaux avaient ce privilège. Ce nouveau texte de loi facilite et multiplie les poursuites. Cependant, en 1657, le Parlement réalise que cela a provoqué frénesies et abus. Ainsi, en 1658, il publie un autre édit, qui "protège" les accusés : ils doivent être conduits en prisons, l'enquête doit être menée par des juges non locaux et l'accusé ne doit pas être torturé.

D'ailleurs, les tortures autorisées en Comté sont :

  • le trépied brûlant : on force l'accusé à s'asseoir sur un tabouret brûlant
  • le tourment des menottes : on met des fers aux poignets de l'accusé, on les serre progressivement pour écraser lentement les os
  • la méthode de la pierre ou de l'estrapade : l'accusé est hissé avec un poids de 12 kg aux pieds grâce à une corde passée sous les bras et on la laisse retomber brutalement, ce qui entraîne la dislocation de la victime

En 1682, Augustin Nicolas traite de ce sujet dans un livre assez tardif, car il ne s'indigne pas vraiment contre la sorcellerie mais contre la torture.

 

3. Chronologie des procès

Entre 1434 et 1667, environ 795 procès ont eu lieu. Le 15° siècle est peu touché autant au niveau européen, qu'au niveau comtois (5 accusés). Au siècle suivant, malgré l'absence d'édits répressifs, 18 arrestations ont eu lieu entre 1500 et 1549. Cette tendance se confirme d'ailleurs en Espagne, en Artois, dans le nord de la France, en Autriche, en Pologne, à Genève et Zurich.

1584 : prémices

Entre 1550 et 1597, 97 personnes sont arrêtées.

1585-97 : calme

1598-1600 : répit

Entre 1597 et 1602, 47 personnes sont arrêtées. Cette vague est principalement principalement dûe à Henri Boguet (démonologue franc-comtois, grand juge de Saint-Claude de 1596 à 1616)

1604-14 : longue persécution

Entre 1603 et 1614, 246 personnes sont arrêtées. La crise a connu une telle intensité à cause des édits de 1604 et 1608 et de la publication du Discours Exécrable de Henri Boguet. Il compte 61 chapitres sur les problèmes que provoquent l'existence des sorcières et 70 articles, qui traitent de la manière d'intervenir en cas de crime de sorcellerie.

1615-26 : calme relatif

1627-32 : crise spécifique et violente

Entre 1627 et 1632, 171 personnes sont arrêtées. La plupart viennent de Luxeuil. Cette vague de répression est dûe à Jean Clerc (un baillis qui se croyait investi d'une mission chrétienne)

1633-53 : longue période de malheurs

Entre 1636 et 1646, a lieu la Guerre de Trente Ans, période assez pénible car on y voit horreurs et atrocités.

1653-57 : légère reprise

1658-61 : dernier sursaut

Cette nouvelle vague est dûe à Pierre Symard, qui a négligé les obligations administratives et législatives.

En effet, chaque crise avait un déclencheur, il ne faut pas oublier qu'ils ont trouvé un large écho chez les villageois...

Région

Date

Nombre de procès connus

Morts

Bannissement

Libération

Franche-Comté

1434-1667

700

59%

15%

26%

Artois

1373-1679

205

32%

?

?

Genève

1527-1681

337

21%

59%

14%

Luxembourg

?

547

65%

?

?

Montbéliard

1554-1661

203

76%

18%

1%

Namur

1509-1640

400

54%

?

?

Nord

1371-1783

294

49%

24%

6%

A Montbéliard, un édit satanique est promulgué en 1534 et renforcé en 1558. Ainsi, entre 1554 et 1564, 19 personnes sont arrêtées, face à 92 personnes entre 1577 et 1580. Cependant, la Principauté a accepté la reforme dès 1552, alors que la Comté la combat. Elle est touchée par une troisième vague en 1610 : 28 procès ont lieu entre 1616 et 1620.

Source : Sorcières, diables et bûchers en Franche-Comté de Brigitte Rochelandet.

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